L’OBSOLESCENCE PSYCHOLOGIQUE

De plus en plus souvent on a décrié l’obsolescence programmée, un ensemble de techniques destinées à réduire la durée de vie ou d’utilisation de certains produits pour augmenter le taux de remplacement en forçant le consommateur de remplacer leur téléphone portable, leur machine à laver, leur frigo ou leur imprimante. Les techniques pour pousser le consommateur à acheter un nouveau produit sont multiples: le coût d’une réparation qui dépasse celui du produit neuf, des produits non-démontables ou des pièces scellées ou les accessoires indispensables pour le fonctionnement qui ne sont plus produits.

Les appareils techniques, grâce à leur production majoritairement en Asie, sont devenus beaucoup moins chers qu’auparavant tandis que les coûts de la main d’œuvre locale pour une réparation sont considérés le plus souvent comme trop chers. Certes les « Repair cafés » et autres initiatives de ce style s’efforcent à prolonger la durée de vie des appareils autant que possible mais il y a une autre « obsolescence » face à laquelle ils ne peuvent rien faire.

L’Institut d’écologie (Öko-Institut) et l’Université de Bonn ont été mandatés par le ministère d’écologie allemand (Umweltbundesamt) de mener une étude à ce sujet. A côté d’un sondage après de 15.000 ménages ils ont aussi pris en compte les data des lieux de collecte ainsi que les résultats de la Stiftung Warentest (qui est un peu le pendant de 60 millions de consommateurs) depuis une vingtaine d’années.

Les résultats de cette étude ont montré que le non-fonctionnement d’un appareil n’est pas la cause majeure pour le changer. Ceci dit l’attente de consommateurs par rapport à la durée de vie par exemple de leur électro-ménager a aussi bien changé. Une machine à laver qui tient huit ans est déjà considérée comme satisfaisante (je me souviens de notre première machine Miele qui a encore fonctionnée après une bonne vingtaine d’années de bons et loyaux services!).

Ce qui pousse le plus les consommateurs à remplacer un appareil est, ce que les chercheurs appellent « l’obsolescence psychologique » savamment entretenue par les industriels surtout via la publicité et le marketing. Ceci ne date évidemment pas d’hier. Déjà dans les années 1920, Alfred P. Sloan, le président de General Motors a découvert se levier puissant: en mettant sur le marché chaque année une automobile au design légèrement différent, des modèles en parfait ordre de marche semblaient à leur propriétaire tout à coup démodé et vieillot.

Ceci fonctionne particulièrement bien dans des domaines ou les avancées techniques sont encore importantes. Ainsi chez 60% des consommateurs qui ont acheté en 2012 des téléviseurs à écran plat, leur ancien appareil fonctionnait encore parfaitement. Le même engouement pour du neuf se trouve aussi – voire encore plus exacerbé – chez les propriétaires de tablettes et autres téléphones portables…

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Certes, on peut argumenter que dans la mode aussi on change chaque saison sans que les vêtements soient troués – ou que l’on ne rentre plus dedans. On change parce que les pantalons à taille basse ne sont plus en vogue ou parce que le vert kaki a remplacé le fuchsia. Nous jetons/donnons/revendons régulièrement une partie de notre garderobe MAIS le textile trouve plus facilement une nouvelle vie dans un dépôt vente ou à la limite en tant que chiffon tandis que l’impacte écologique du renouvellement vestimentaire n’est pas du tout comparable à celui des appareils techniques qui sont des vrais bombes qui épuisent d’abord les ressources et polluent ensuite gravement l’environnement.

Les initiatives vertueuses des gouvernements pour brider l’obsolescence technique chez les fabricants ne sont donc malheureusement pas suffisantes – c’est aux consommateurs, à nous, de changer notre mode de consommer et de ne pas nous laisser piéger par des gadgets techniques que finalement bien d’entre nous n’utilisent que faiblement car les fonctions basiques sont déjà suffisantes…

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LA BEAUTÉ DE L’IMPERFECTION

C’est à la fin du XVe siècle sous le règne du shogun Ashikaga Yoshimasa que l’ikebana – l’art d’arranger les fleurs -, le théâtre Nô ou le peinture à l’encre de Chine connaissent un âge d’or et l’esthétique japonaise connait un essor en mêlant le raffinement de la cour et la culture de la sobriété des samouraï.

La cérémonie du thé prend à l’époque une grande importance et quand le shogun casse son bol préféré, il l’envoie en Chine pour le faire réparer. Déçu quand il voit que la réparation avait été fait avec des  vilaines agrafes métalliques il donne l’ordre à des artisans locaux de trouver un moyen de réparation plus beau qui doit prendre en compte le passé d’un objet, son histoire et les accidents éventuels qu’il a pu connaitre. La céramique ou la porcelaine cassée ne doit pas signifier sa mise au rebut, mais bien au contraire un renouveau, le début d’un autre cycle et une continuité dans son utilisation.

La réparation ne se cache plus, bien au contraire elle devient élément essentielle de l’objet, lui confère une beauté particulière qui distinguera l’objet réparé, en fait un objet unique.

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Le procédé employé s’appelle « kintsugi » et adapte une technique utilisée traditionnellement par des artisans laqueurs japonais. Si l’on n’utilise pas de la laque d’or mais de l’argent le nom change en « gintsugi ». Un mélange de laque (ou résine) et de la poudre d’or est employé pour attacher des morceaux ensemble ou boucher des trous. Quand un grand morceaux manque et ne peut plus être remplacé ceci peut se faire par de l’or pur ou un mélange d’or et de laque, mais l’artiste/artisan peut aussi essayer de trouver une pièce qui ne correspond que par la forme pour créer un effet de « patchwork ».

Kintsugi est est lié au « wabi-sabi » un concept qui met en valeur des marques d’usure ou d’accidents. On ne cherche pas la perfection, l’impeccable mais souligne encore l’absence d’un morceaux et la réparation survenue. Il semble que certains collectionneurs sont tellement épris de ces objets qu’ils brisent volontairement des porcelaines ou céramiques précieuses pour pouvoir ensuite les faire réparer au style « kintsugi…

RAFISTOLER AVEC YOKO

Quand on parle de Yoko Ono on pense surtout à la compagne légendaire de John Lennon (pour les plus jeunes parmi les lecteurs: c’était un des célèbres Beatles, assassiné en 1980). On oublie alors que cette femme déjà avant de connaître la gloire aux côtés de son mari John, était – et l’est toujours – une importante artiste, très connue dans les milieux avant-gardistes de l’époque.

Yoko Ono a publié entre autres un livre – ACORNE – rassemblant des « instructions » poétiques comme des petits graines à semer dans notre cœur, notre conscience, pour améliorer ce monde par des toutes petites touches.

Une de ces instructions s’appelle « Mend an object« :

When you go through the process of mending, you mend something inside your soul as well.

Think of a « crack » in your own life or the world. Ask for it to be healed as you mend the object.*)

J’ai trouvé cela sur le site « Improvised Life » que vous pouvez voir en cliquant ici: http://www.improvisedlife.com/

Et pour voir plus de « acorns » de Yoko Ono sur « Imagined Life » c’est ici: http://imaginepeace.com/projects/100acorns

*) Réparez un objet – Quand vous effectuez le processus de raccommoder, vous réparez aussi quelque chose dans votre âme. Pensez à une fissure dans votre propre vie ou dans le monde. Souhaitez qu’elle soit guérie tout en réparant l’objet

AU SECOURS DU GRILLE PAIN CASSÉ…

Plus personne n’est sensé d’ignorer la fameuse « obsolescence programmée » qui fait que la plupart de nos objets électriques et/ou électroniques tombent en panne et cela souvent bien plus tôt que leur prédécesseur. Je me souviens encore de la première machine à laver que ma mère avait acheté et qui fonctionnait même après 25 ans de bons et loyaux services très bien. Ça fait rêver! Et je me souviens aussi de la réponse d’une vendeuse quand j’ai été obligée à changer mon téléphone (fixe) qui ne marchait plus: « Prenez le moins cher parce que de toute façon ça ne tient pas plus que deux ans, peu importe le modèle… »

On nous incite à remplacer en permanence ces objets et pour être sûr que nous le faisons vraiment les industriels ont inventé des petites puces et autres diapositives (ce n’est pas un apanage de VW!) qui obligent l’objet à tomber en panne prétendument « irréparable » ou réparable mais à un prix qui rend le tout nouveau modèle à peine plus cher. On veut nous faire croire que cela est indispensable pour faire marcher l’industrie et garder des emplois, pour soutenir « la croissance », ce mantra des temps modernes.

Il y a bien quelques avancés dans ce domaine comme par exemple des bacs dans des enseignes comme la Fnac ou Darty où l’on peut jeter son petit matériel, l’enlèvement de l’ancienne machine à laver etc. etc. mais… on peut aussi essayer de réparer ce truc en panne! Soi-même en plus. C’est là où les REPAIR CAFÉS entrent dans le jeu. Je pourrais tout vous expliquer, mais regardez plutôt ce vidéo:

C’est quand même bien mieux que d’abandonner le matériel cassé dans la rue à côté des poubelles!!